Résumé :
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A travers ce mémoire, j’ai décidé de m’interroger sur le rôle économique et social de la fripe tout au long des époques. En effet, historiquement, la fripe était la logique même de l’habillement, seules quelques rares personnes avaient les moyens de s’apprêter avec des vêtements neufs. Puis avec l’émergence de la confection puis du prêt-à-porter, la fripe a été rapidement assimilée à la pauvreté. A partir des années 80, ces vêtements de seconde main ont été adoptés par des personnes appartenant au mouvement grunge en guise de faire-valoir identitaire. Au fur et à mesure, la consommation de vêtements usagés s’est élargie à de nouvelles tranches de la population qui, en empruntant l’idée de rébellion aux grunges de la fin des années 1980, ont délibérément fait le choix d’acheter de la fripe alors même qu’ils avaient les moyens de s’habiller avec des vêtements neufs. Ce mouvement a alors pris une importance croissante dans nos économies occidentales notamment en empruntant la dénomination « vintage » en France, terme qui cache une distance culturelle toujours forte vis-à-vis des vêtements de seconde main, fortement associés aux marchés aux puces. Aujourd’hui le marché s’inscrit dans un paysage social où les considérations éthiques et écologiques favorisent et légitiment son action, quand parallèlement les crises économiques encouragent les consommateurs à y avoir recours. Parallèlement à l’élargissement des débouchés, les acteurs économiques se sont multipliés et spécialisés de plus en plus clairement face à un consommateur aux facettes multiples. Les héritiers du mouvement grunge achètent de la fripe essentiellement par désir d’unicité, s’opposant à toute consommation de mode, pendant que d’autres évaluent cet acte d’achat comme une réaction face au gaspillage dont fait preuve la société contemporaine. Parallèlement, d’autres consommateurs voient en ces vêtements de seconde main l’occasion soit de consommer par nostalgie des pièces emblématiques de leur époque passée, ce sont les véritables clients « vintage », soit de consommer des vêtements de marques dans l’air du temps à moindre prix. Ainsi face à ces consommateurs, deux filières se concurrencent pour un même marché en pleine expansion : la filière industrielle et la filière directe. La filière industrielle collecte les vêtements donnés par les particuliers, les introduit dans une chaine de tri qui, encadrée par des normes règlementaires strictes, redirige les vêtements vers le statut de déchet, vers le recyclage ou vers le réemploi. Les vêtements réemployables seront revendus à 80% à l’export, les 20% restant seront revendus sur le marché national. D’un autre côté, la filière directe sélectionne et rachète aux particuliers les vêtements et les revend. Face à cette différence pécuniaire entre don et rachat, les donateurs choisissent bien souvent de revendre leurs vêtements à forte valeur, qui sont en général de meilleure qualité, plutôt que de les donner. Cette concurrence rend le défi de la filière 4 industrielle, majoritairement constituée des entreprises et associations de l’économie solidaire, particulièrement difficile. Ce mémoire m’aura permis de dégager des facteurs clés de succès, souvent empruntés à la filière directe, mais dont la filière industrielle ne s’est pas encore enrichie. Ainsi au niveau de la collecte, il conviendra de renforcer le sentiment de proximité entre les organismes de don et les donateurs, mais aussi de communiquer sur la perte d’usage des vêtements, sur l’éthique et la démarche écologique qui sont liées à cet acte et qui renforcent positivement l’image que les individus ont d’eux-mêmes et, enfin, de cibler la collecte selon des occasions de disposer des vêtements comme le sont les déménagements. Le tri devra lui se professionnaliser en faisant appel à des partenariats et donc des compétences externes qui permettront de développer celles-ci mêmes en interne mais aussi de mieux faire circuler l’information tout au long de la chaine de tri. Enfin sur la distribution, les acteurs économiques doivent véritablement cibler leurs consommateurs et y ajuster l’offre produits autant en termes de marques, de qualité que de customisation potentielle, mais aussi adapter les prix de vente, les services associés et le vocabulaire correspondant. Enfin et particulièrement pour les acteurs de l’économie solidaire, la professionnalisation de l’environnement de vente, qui a porté ses fruits en Angleterre, semble être un outil clé de valorisation à la fois du personnel, des produits et des clients. Ce mémoire propose donc des facteurs clés de succès qui visent à améliorer la rentabilité d’entreprises dont beaucoup peinent souvent à s’en sortir et dont dépendent de nombreux emplois d’insertion. Cette démarche s’inscrit aussi dans une démarche de développement durable, mouvement qui porte haut les couleurs de ce marché.
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